
Une évolution majeure du dialogue social est en voie d’aboutir :
Un projet de loi issu de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 14 novembre 2024 prévoit de supprimer, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, la limite actuelle de trois mandats successifs pour les élus du comité social et économique (CSE).
Déjà validée par le Sénat et adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, cette réforme n’attend plus que son achèvement législatif et sa promulgation pour entrer en vigueur.
Pourquoi supprimer la limite de mandats au CSE ?
Jusqu’à présent, sauf accord dérogatoire (possible uniquement dans les entreprises de moins de 300 salariés), les élus du CSE ne pouvaient exercer plus de trois mandats consécutifs. Cette règle visait à favoriser le renouvellement, mais elle entraînait souvent des effets contre-productifs.
En effet, pouvait contraindre les élus les plus expérimentés à quitter leurs fonctions alors même qu’ils étaient plébiscités par leurs collègues, reconnus pour leur engagement et leur maîtrise des dossiers complexes et des procédures internes à l’entreprise.
En pratique, après 12 ans d’exercice (3 mandats de 4 ans), un élu expérimenté devait obligatoirement laisser sa place (article L. 2314-33 du Code du travail). https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000036761951
De plus, lors des premiers renouvellements des CSE (post-2018), de nombreuses entreprises ont constaté une crise des vocations syndicales, avec des difficultés à trouver des candidats, notamment parmi les jeunes, et un risque accru de carence faute de volontaires.
Ce que change la réforme du CSE 2025
La limite de mandats est désormais levée : les élus pourront se représenter sans restriction, quel que soit l’effectif de l’entreprise.
Ce changement vise à :
- Éviter la perte précieuse de l’expérience accumulée, essentielle pour un dialogue social constructif et éclairé.
- Préserver la stabilité des équipes représentatives.
- Maintenir la continuité dans la connaissance des dossiers.
Une réforme adaptée aux réalités du terrain
Depuis la création du CSE, qui a fusionné les anciennes instances (DP, CE, CHSCT), les représentants du personnel sont moins nombreux, avec globalement moins d’heures de délégation.
Pourtant, leurs missions sont plus larges et nécessitent une expertise solide en matière économique, sociale, de santé et de conditions de travail.
Dans ce contexte, il est crucial de pouvoir compter sur des élus expérimentés, capables de suivre les évolutions de l’entreprise sur plusieurs années.
La limitation à trois mandats fragilisait cet équilibre, imposant un renouvellement parfois artificiel et source de perte d’expertise. La réforme corrige ainsi cet effet problématique.
Maintien de l’expertise pour un dialogue social efficace
Les entreprises conservent des représentants maîtrisant parfaitement les dossiers, les processus internes et les interlocuteurs institutionnels (inspection du travail, médecine du travail, etc.).
Cette expertise favorise une action efficace sur des enjeux complexes tels que :
- La santé au travail
- La transformation numérique
- La transition écologique
Les salariés bénéficient ainsi d’une représentation compétente et réactive, capable de défendre leurs intérêts avec précision.
Continuité et culture du dialogue social à long terme
La représentation sur plusieurs mandats permet de bâtir une culture solide du dialogue social.
Les projets structurants — plans de prévention des risques, amélioration des conditions de travail, politiques RSE — pourront être menés et suivis d’une mandature à l’autre, garantissant leur réussite.
C’est l’un des objectifs clés de cette réforme majeure.
Facilitation des négociations et gain de temps pour les RH
Disposer d’interlocuteurs CSE expérimentés facilite les échanges avec la direction.
Les négociations sont menées par des représentants bien au fait de l’historique des dossiers, évitant de repartir à zéro à chaque élection.
Pour les ressources humaines, cela signifie :
- Une réduction du temps consacré à la formation des nouveaux élus
- Plus de temps disponible pour se concentrer sur les questions de fond
Simplification de la gestion des élections professionnelles
La réforme simplifie aussi la gestion des élections :
- Il n’est plus nécessaire de contrôler le nombre de mandats successifs exercés par chaque élu.
- Tout salarié remplissant les conditions habituelles (ancienneté, etc.) peut désormais se porter candidat, sans restriction liée aux mandats antérieurs.
- Le risque de litiges électoraux liés à ce motif est donc réduit.
Désignation des délégués syndicaux : un cadre élargi
Par ailleurs, la suppression de la limitation pourrait aussi élargir le vivier de délégués syndicaux (DS).
Aujourd’hui, en l’absence de candidats éligibles, un syndicat peut désigner d’anciens élus ayant atteint la limite des trois mandats (article L. 2143-3 du Code du travail). https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000036761993
Avec cette réforme, le choix pourra s’étendre à tous les anciens élus, quel que soit leur nombre de mandats, ce qui est un avantage pour ne pas restreindre inutilement les représentants qualifiés.
Quelle entrée en vigueur ?
Le texte a été validé en commission mixte paritaire et voté au Sénat. Il reviendra à l’Assemblée nationale de l’adopter définitivement, probablement en septembre ou octobre 2025.
La loi entrera en vigueur après sa publication au Journal officiel.
Elle n’aura pas d’effet rétroactif :
- Les mandats en cours restent inchangés.
- Les élections déjà planifiées selon l’ancienne réglementation conservent leur validité.
- Toutes les élections CSE après la promulgation devront respecter les nouvelles règles.
Ainsi, un élu ayant déjà exercé trois mandats pourra se représenter.
Ce qu’il faut retenir
Cette réforme vise à renforcer l’efficacité et la stabilité du dialogue social, dans un contexte où les élus du CSE sont moins nombreux, disposent de moins d’heures, mais doivent gérer des sujets plus complexes.
Maintenir des élus compétents sur le long terme devient une nécessité et la suppression de la limite de mandats s’inscrit clairement dans cette logique.
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